On l'appelait.... "Luminie" !

L'histoire de "Luminie" commence vers l'An 1000 avec le mariage de Fulco, Vicomte de Marseille et Dame Odile en l'An 1005.
La dot étant des terres sises entre Marseille et Toulon.

Au XI ème siècle, les moines de l'Abbaye de St Victor sont propriétaires des bâtiments et d'une chapelle.
Puis le Domaine devient la propriété d'un ordre cisterien "Le Mont Sion".

En 1242, une abbesse agrandit les bâtiments et "Luminie" se nomme désormais l'Abbaye du Mont de Sion et accueille les jeunes filles de la noblesse provençale.

Au XVI ème siècle, la famille d'Ollières acquiert la propriété et les terres sont mises en culture.
Parcelles de blé, d'avoine, de luzerne, des oliviers, des amandiers, des muriers, des pommiers, des figuiers, des cerisiers... et des vignes.

Derrière la Bastide se trouvait une longue allée bordée de figuiers et de cerisiers où il devait faire bon quand le soleil était trop chaud !

Des écrits nous rapportent que :

Les vignes donnaient un raisin muscat pour la table excellent et des raisins pour la cuve de très bonne qualité.
Le vin était destiné aux moines de l'Abbaye St Victor.
Les oliviers fournissaient l'huile.

Le Domaine de "Luminie" apparaît en 1754 sur une carte gouvernementale de la Provence.

En 1819, le domaine est cédé à un armateur marseillais, Augustin Félix Fabre par Madame Baudoin, veuve d'Ollières pour la somme de 107 000 francs.

Le Domaine, de 1200 hectares dont 200 sont cultivables est situé en bordure de mer.
Les pins des collines sont exploités, des moutons et des chèvres y sont élevés.
Le destin du Domaine de "Luminie" est d'abord lié à l'essor du négoce marseillais puis à l'expansion coloniale.

Augustin Félix Fabre meurt en 1850.

Un important réservoir de 5000 m3 est alors construit pour irriguer les cultures.
Autour de cette construction sont plantés des tilleuls, des cèdres, des marronniers.

Le "Château" conserve sa simplicité originelle, cette grande bastide reçoit les membres de la famille à la belle saison.

La correspondance échangée entre l'épouse de l'armateur et ses enfants, Cyprien et Augustin, de 1853 à 1864, retrace la vie quotidienne de la Bastide.

Dès les premiers jours du mois de juillet, les femmes et les enfants s'installent au "château" pour l'été car les époux sont retenus en ville pour leurs affaires et se rendre sur le domaine demande une heure à cheval.
La famille et les domestiques sont venus en attelages mais le trajet a duré au moins une heure et demie !
Pour les enfants, c'est le Paradis car "Luminie" représente les vacances !
Baignades dans le bassin, escapades dans la colline, expéditions par les sentiers jusqu'au bord de mer avec la Tante Léonie, pique-nique et pêche dans les criques d'où l'on ramène sars et girelles et où on part toute la journée avec l'âne...
En septembre, c'est la cueillette des champignons qui inquiéte tant les domestiques !

Les adolescents trouvent parfois le temps un peu long, les jeunes filles s'en plaignent comme l'écrit Félicie, la soeur de César, âgée de 19 ans qui "regrette d'être enfermée chaque été entre quatre collines".

Pour les maîtresses de maison, bien que secondées par de nombreux domestiques, l'organisation de la vie de la Bastide n'est pas de tout repos. Celles-ci se sentent parfois isolées et sont heureuses de rejoindre la ville au mois de septembre.

Pour les hommes, la Bastide est un lieu de délassement.
On s'y livre au plaisir de la chasse, on tire les lièvres, les perdreaux, les grives, les cailles car le gibier se trouve en abondance et les fusils traînent partout.
Les hommes se retrouvent au "Billiard" où se déroulent d'impressionnantes parties au retour de la chasse !
On fait des promenades à cheval.
Cyprien Fabre, 23 ans, passionné d'équitation, voulut faire l'acquisition d'un cheval de selle aux écuries du Roi de Naples mais le prix trop élevé l'en dissuadera.
Le soir les hommes jouent au billard.

Quelques sorties sont organisées, on rend visite aux Borelly dans la propriété rurale de Bonneveine voisine, aux Pastré, propriété rurale proche, on organise des soupers sur les îles, et le 15 août, fête de la St Napoléon, on grimpe sur la colline pour voir les feux d'artifice tirés de Marseille !
On reçoit des professeurs de chant, on organise des concerts.
Les jeunes filles de la maison s'évertuent au piano.

Et bien qu'il existe une réelle aisance matérielle, la simplicité l'emporte dans la vie quotidienne.

De 1918 à 1923, le Domaine est en indisision, Paul Cyprien Fabre devient l'unique propriétaire.
Il remet le parc en état, il ouvre une route donnant accès à Sugiton, il replante des pins, des chênes, des cèdres de l'Atlas..

En 1945, Luminy entre dans le domaine public.
L'Assistance Publique envisage d'y construire un hôpital mais l'implantera à St Antoine (Hôpital Nord).
La Bastide sert alors de lieu d'accueil aux colonies de vacances et dans les années 1950 des classes de plein air sont créées pour les écoliers.

En 1966, l'Etat est propriétaire du Domaine Universitaire de Luminy et construit la faculté de sciences et une cité universitaire.

En 1979,la Société Mathématique de France reçoit une partie du Domaine par bail emphythéotique :
La Bastide 
La maison du jardinier où logeait une partie des domestiques de la famille Fabre
Le"Billiard"
3ha,12a,70ca

La réhabilitation de la Bastide a commencé en 1977 et s'est achevée en 1997.

Le verger entretenu a disparu, seuls deux gros tilleuls, un vieux marronnier et quelques arbres fruitiers à l'état sauvage subsistent.
Les parcelles n'ont pas été reboisées, les sentiers ont été ravinés par les pluies.
Les anciens bancs ont été détériorés.
Les puits abandonnés.
Deux bâtiments sont en ruine.

 En 2010, le Campus de Luminy s'aggrandit encore hélas, et malgré l'Ecole d'Architecture proche, les immeubles hétéroclites défigurent le site.

Et on a repeint la Bastide des Fabre...en rose !
...à suivre !!

3 commentaires:

bruno a dit…

Bonjour,

J'aime bien votre commentaire sur l'histoire de Luminy.

J'ai entendu dire que l'extension de l'université se faisait sur un site classé, est ce que c'est vrai. J'avoue avoir du mal à comprendre celà à la veille de la création du parc.

J'ai personnellement participé aux réunions de concertations pour la création de la charte qui régira le futur parc national des calanques. Je vais avoir l'occasion de revoir les membres du GIP et ne manquerait pas de parler de cette extension qui me semble hallucinante ! :-(

Pour le parc, je représentais l'activité naturiste par le biais de l'Apnel (association de promotion du naturisme en liberté). Peut être avez vous entendu parler que les naturistes s'impliquaient pour la préservation de la nature, ben c'est moi ;-)))

Voici le lien de mon blog qui apporte le maximum d'infos sur le parc des calanques et sa mise en place :

http://my.opera.com/progmarseilleman/blog/

Amicalement,
Bruno

L'écureuil a dit…

Merci pour ce récit instructif de la longue histoire du parc de Luminy !
Maintenant je sais d'où vient la petite maison rose cachée dans la verdure...

sauzeries a dit…

Bonjour.
Bravo pour cet historique.
J'ai eu la chance de visiter dernièrement la bastide et ses alentours et c'est vrai qu'avec les grandes baies vitrées, les portes en PVC et le décor des murs, ne permettent plus de se rendre compte de la vie au temps des Fabre
Le parc n'est plus que l'ombre de ce qu'il a du être, les bancs en ciment sont détruits, les bordures et canaux sont rasés et les sangliers nombreux dans ces parages s'en donnent à cœur joie.
Quelques annexes sont restaurées à l'identique, notamment le "Billard" et la chapelle qui à maintenant vocation de salle de conférence ou de réunions pour les brillants mathématiciens qui ont investis cette bastide.
Mais d'autres sont à l'abandon. Tels le poulailler traditionnel d'époque et proche du "billard", un étrange petit bâtiment semble être un pigeonnier mais rien dans les différentes descriptions de ce lieu que j'ai pu lire,ne parle de pigeonnier. Avez vous une idée sur ce point?
L'immense bassin est maintenant rempli de terre mais ses murs sont encore largement visibles à tel point que j'en ai fait la mesure pour en connaitre la profondeur. Cela donne 25mètres par 50mètres. on connait par les écrits sa contenance de 5000m3, donc cela donne 4 mètres de profondeur. A proximité, un petit bassin d'agrément devait accueillir les enfants l'été. Ce n'est certainement pas dans l'immense bassin que les héritiers barbotaient parmi les herbes aquatiques et les batraciens. La famille Fabre auquel je m’intéresse depuis peu, a largement marqué l'histoire des quartiers sud de Marseille comme les Pastré, Borely ou encore les Martin, les Maurel sans oublier les Prat et les Roze.